Sans elle...

Publié le par Sylvine GOIRE

Sans elle...

C’est fini, je l’ai perdue…

Il y a une seconde encore, je la tenais tout contre moi, elle me passionnait, me fascinait me transportait et puis soudain, plus rien… le chaos, l’abandon, la fuite. Elle me quitte et voilà que je me sens dépouillé, vide, nu.

Je ne comprends pas.

Moi qui l’ai tant cherchée, tant espérée, tant voulue, je l’ai idolâtrée même et parfois, la sentant s’évaporer, je l’ai suppliée de m’accorder une dernière chance, lui promettant de la chérir encore et de ne jamais plus la décevoir.

J’ai tenu ma promesse. Enfin, je crois !

Il faut dire qu’elle est capricieuse, qu’elle sait se faire désirer et qu’elle aime jouer avec mes nerfs. Mais, je ne peux pas la blâmer, elle sait qu’elle m’est essentielle. Comment pourrais-je exister sans elle à mes côtés ? Et ça, elle l’a compris la sauvageonne et elle s’en réjouit cruellement.

Fréquemment, et de plus en plus souvent, il lui arrive de disparaître, elle se détourne de moi et me fait languir longtemps, longtemps... avant de revenir, cherchant malicieusement à me faire peur. Elle sait que je ne peux pas me permettre de la perdre, sans elle je ne suis plus.

Il faut sans cesse que je la choie la coquine, elle aime être dorlotée. Souvent je l’imagine telle une chatte qui courbe le dos quand on la caresse, ronronnant sous ma main qui se fait douce et cherchant avec ardeur le contact de ma peau. Mais attention à ne pas la brusquer, un coup de patte est vite arrivé et là, catastrophe, elle se vexe et s’enfuit pour se cacher. Combien de fois m’y suis-je risqué ? Combien de fois ai-je imploré son indulgence pour un geste maladroit, précipité, qui m’aura valu quelques longues journées sans elle ? Sa susceptibilité est fragile et je l’ai appris à mes dépens.

N’allez pas croire que c’est un monstre, ma merveilleuse. Bien au contraire, elle m’a rendu meilleur et fait de moi ce que je suis. Elle m’a permis d’évoluer, de grandir, d’être quelqu’un. Aujourd’hui, grâce à elle, j’ai foi en moi et j’avance. D’ailleurs, sans elle, je ne pourrais pas vous raconter.

Elle me guide, me permet de voir plus loin, plus grand, elle m’oblige à oser, à entreprendre, à rêver, à créer. Elle déclenche en moi des passions cachées et inavouées qui embrasent mes joues, une sorte d’ivresse vorace que je ne pourrais définir. Elle me stupéfait, m’illumine, m’extasie, me dévoile. Elle est animée par tant d'émois, de lucidité et s’impose à moi avec une telle évidence, une telle énergie et une telle clarté que je ne peux lui résister. Impuissant, je m’incline devant elle et l’accueille chaque fois avec plus de véhémence. Elle est la flamme qui ravive mes ardeurs, la lumière qui guide mon esprit égaré par des années de dérive dans la pénombre.

Sans elle je suis un misérable, un homme démuni, dépouillé, vide de sens, un homme privé de tout enthousiasme, de tout génie, un être sans importance, sans éclat, sans reflet, un homme éteint, invisible.

Vous comprendrez donc la peur, que dis-je, l’effroi qui s’empare de moi à chaque seconde à l’idée de la voir s’en aller. Moi, d’habitude si fier, si étranger à l’attachement, si libre, amoureux fou de l’indépendance et ennemi des grandes passions qui meurtrissent le cœur des hommes.

J’ai honte ! Je l’avoue, je suis dépendant d’elle, à en crever.

Quel cruel dilemme ! Je rougis de ce qu’elle fait de moi et pourtant je dénigre ce que je suis sans elle…

Qu’auriez-vous fait à ma place ? Comme moi vous l’auriez adorée, vénérée.

Comme moi, vous vous seriez soumis, n’en doutez point !

Imaginez-là maîtresse… Quelle extraordinaire maîtresse !

Je ferme les yeux et je la vois, mystérieuse et raffinée, ondulant son corps de déesse à demi nu, bordé d’un déshabillé à peine visible… ses seins que l’on imagine fermes et dressés, dissimulés sous un voile soyeux dont la transparence ne laisse aucun doute quant à la délicatesse de sa peau qu’il cache partiellement. Telle une émanation vaporeuse, elle avance, entrainant dans chacun de ses mouvements une sensualité à couper le souffle. L’ambiance se fait lourde, pesante, chargée d’une puissante énergie infernale, diabolique et ravageuse. Je tremble, j’exhale, je m'embrase.

Elle me dévore de ses yeux félins, faisant de moi sa proie. Mon souffle s’accélère, une fièvre ardente s’empare de ma chair et me consume à chacun de ses pas. Mon œil s'aiguise davantage, saisissant avec avidité chaque détail de mon audacieuse traqueuse qui se fait de plus en plus offensive.

Rrrr, comme elle est belle ! Comme elle me rend fou !

Je sens qu’elle veut jouer. Je sens qu’elle veut se délecter de mon évidente faiblesse pour elle. Elle m’attire, me captive, m’ensorcelle. Je suis corrompu, ravagé ! Son délicieux parfum me submerge au fur et à mesure qu’elle s’approche de moi. Je voudrais la croquer, mordre à pleines dents cette chair qui me défie, tel un fruit juteux qu’on prend plaisir à savourer goulûment…

Hum ! Elle est exquise…

Mais je ne bouge pas ! Je sais qu’il ne faut pas que je bouge au risque de la contrarier et de la voir s’envoler. Elle est de celles qui aiment contrôler, c’est une meneuse. Alors, tel un puceau qui s’apprête à goûter aux plaisirs défendus pour la première fois, je la laisse manœuvrer mon désir, tout en me régalant de sa splendeur, de la finesse de ses formes et de la perfection de ses gestes lorsqu’elle se pose en moi, féline et guerrière.

Ah ! Ma tigresse, comme il est bon de te sentir en moi…

Sans résistance aucune, je m’abandonne à elle. Alors que lentement la jouissance s’installe en moi, ses mains se font griffes, ses cheveux deviennent crinière, sa bouche devient gueule… la belle se transforme en bête et je perçois dans son regard sa soif de me posséder.

L’excitation prend possession de tous mes sens… Je perds le contrôle de ma raison, ma dépendance est à son comble… je veux respirer sa peau, gouter ses lèvres, caresser son ventre, ses cuisses, empoigner ses fesses, inonder son cou de baisers, dévorer ses seins, l’étreindre contre mon sexe, je veux qu’elle sente la violence de mon appétence en elle, je veux l’entendre rugir de plaisir, je veux qu’elle me supplie avec des « encore, encore, encore… ». Je veux qu’elle m’appartienne, qu’elle soit mienne, pour toujours !

J’en mourrai tellement je la veux, je la veux…

Enfin, je la voudrais… parce qu’avec elle, ce n’est pas moi qui décide. Avec elle, je subis.

Pff ! Pure désolation, infâme affliction ! Je sais, c’est pathétique.

C’est vrai, parfois j’aimerais pouvoir décider… décider de la voir, décider qu’elle soit à moi, en moi, qu’elle soit docile et contrôlable, j’aimerais qu’elle me laisse la dominer, être son maître…

Oh oui, comme ce serait plaisant, d’une jouissance rarissime.

Malheureusement les choses sont différentes avec elle. Depuis qu’elle est entrée dans ma vie, je ne cesse de l’attendre. Va-t-elle se montrer aujourd’hui ? Va-t-elle rester ? Sera-t-elle là demain, et après-demain, et dans un an ?

Je la sais tellement fugace, tellement étrangère à toute forme d’attachement, tellement frivole, que je ne peux rien prévoir. Je ne peux que l’inciter.

C’est difficile d’être dépendant d’elle… et j’en souffre. Elle finira par m’anéantir, c’est certain, j’en suis conscient.

Évidemment qu’il m’est arrivé de me révolter, vous imaginez bien ! Un jour, j’en ai eu marre d’elle… Mais vraiment marre ! Ses va-et-vient perpétuels m'irritaient, m’affligeaient même. Je me suis mis à mépriser son manque d’empathie, de reconnaissance, d’estime pour moi, pour nous, pour tout ce que je faisais d’elle, avec elle. Mince alors ! Nous sommes une équipe, une unité, un tout… Nous avons fait de brillantes choses ensemble. Notre lien est unique, précieux. Comment pouvait-elle me désavouer à ce point ? Non, pour autant que je m’en souvienne, je l’ai maudite, détestée, rejetée. J’ai essayé de vivre sans elle, de changer de cap, de suivre un nouvel horizon, je me suis essayé à d’autres muses…

Et puis non, rien à faire, c’est elle… je l’ai dans la peau cette ingrate !

Quand elle se fait mienne, elle m’apporte tant de bonheur, de réjouissances et de fascination que je ne peux me résoudre à vivre sans elle. Rendez-vous compte, elle me sublime !

Ai-je d’autres choix que d’espérer ? Vous voyez bien que non ! Alors j’espère…

Chaque matin, lorsque je me lève, je pense à elle… et aujourd’hui, vais-je la voir ?

Et puis de plus en plus, lorsqu’elle me laisse seul devant cette page blanche, sans faire la moindre apparition, transi d’effroi à l’idée de la perdre définitivement, je me surprends à pleurer. Oui, je pleure… parce que sans elle, je l’avoue, je ne suis qu’un auteur sans inspiration.

Sylvine GOIRE

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D
Juste WOW !!!
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S
Merci...